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IV – L’interviewWushutao : Pouvez-vous nous parler de votre parcours martial ?
Jean-Jacques Galinier : J’ai commencé les arts martiaux en 1970 avec 5 ans de judo, de 10 ans à 15 ans. Ensuite, j’ai eu une interruption martiale, où je me suis consacré au football pour revenir aux arts martiaux en 1982 par le biais du Taekwondo et du Taiji Quan
(Tai Chi Chuan). J’ai étudié le Taekwondo jusqu’au 2ème Dan, et j’ai étudié pendant 2,3 ans le Taiji Quan avec un professeur chinois à Toulouse. J’ai poursuivi mon étude du Taiji Quan en autodidacte avec des livres et des stages, jusqu’à ce que je rencontre Maître Ding en 2005 ; il m’a alors fait une refonte de mon travail. Non pas que ce que j’avais appris par moi-même était mauvais, mais il y avait des choses à revoir.
J’ai également touché au Kung-fu Wushu et à des arts internes comme le Bagua Zhang, qui est la « paume des 8 trigrammes », le Xing Yi Quan qui est le « poing d’intention », ainsi que le Yi Quan qui est une boxe spontanée. J’ai également fait un peu de boxes : boxe américaine, anglaise, etc., du travail au sol également ; Tout ça pour avoir un savoir-faire martial assez éclectique, complet.
Je m’aperçois maintenant à 50 ans que j’étais plus intéressé par la pratique interne qu’externe des arts martiaux, car ça m’a amené à me poser des questions sur le développement de l’Homme et des cheminements qui vont avec. Pour moi, c’est intimement lié et finalement dans la tradition aussi car les arts internes sont associés à la philosophie taoïste et avec certaines philosophies bouddhistes, notamment celle du Tibet. Il faut savoir que les tibétains ont été de grands guerriers, ils ont été pendant des décennies voire des siècles, plus forts que les chinois. Par la suite, ils se sont transformés par le biais du bouddhisme, en nation pacifique ; en fait pas tous, une partie est restée guerrière et s’est retirée dans la montagne. Bon là c’était un aparté
[rire]Wushutao : Vous enseignez le Taiji Quan « Chen » et « Yang » ; pouvez-vous nous expliquer la différence entre les deux styles ?
Jean-Jacques Galinier : Pour moi les deux styles sont complémentaires. Dans ma pratique personnelle, je trouve de l’intérêt dans les deux styles. On peut pratiquer le style Yang avec une attitude plus méditative alors que le style Chen demande physiquement des positions plus ouvertes, plus basses et plus de mouvements spiralés, ce qui amène des sensations plus physique que dans le style Yang. C’est pour cela que le style Yang s’est plus développé que le style Chen, car on peut le faire avec tout un dégradé de façons de pratiquer : méditative et très douce jusqu’à quelque chose de plus puissant. Les postures du style Yang sont moins exigeantes, on peut les faire très haute, moyenne ou basse mais en général, on travaille assez haut. Le style Chen, lui, demande systématiquement des positions basses.
Wushutao : Pouvez-vous nous parler de votre rencontre avec le maître Ding Dahong ?
Jean-Jacques Galinier : Ma rencontre avec le maître Ding Dahong a été un concours de circonstance. Je suis allé en Chine en 2004 pour un pèlerinage, au cours duquel j’ai monté les 6660 marches du mont Tai Shan
[principale montagne sacrée taoïste de Chine, ndr] dans la province du Shandong. J’ai fait une prière pour remercier les ancêtres pour m’avoir permis de m’approcher de ces arts. Et je relie la rencontre avec maître Ding un petit peu à ce moment magique, c’est-à-dire que finalement je l’ai rencontré un an après. Entre temps, j’ai rencontré un étudiant chinois avec lequel j’ai réalisé une sorte de troc : je lui apprenais le Taiji Quan et lui le chinois. Et il se trouve que sa mère est professeur de Taiji et en même temps arbitre, ce qui l’amène à voyager pas mal en Chine et à rencontrer différents maîtres. Au cours de son parcours martial, elle a décidé de changer de maître et d’étudier auprès du maître Ding, bien qu’il habite à plus de 1000 km de chez elle. Son ancien maître était très bon, mais ne pouvait pas lui apporter de réponse à certaines questions ; maître Ding lui a apporté ces réponses sur le plan intellectuel, et il apportait en plus des précisions.
Cet étudiant de Toulouse a fait venir sa mère pour un stage, et elle en retour m’a fait venir dans sa ville, et l’année d’après elle a fait venir son maître. Très rapidement avec maître Ding Dahong, on a trouvé des intérêts communs, et il a décidé de m’intégrer dans la famille. L’année suivante, il m’a fait venir en Chine pour une cérémonie officielle pour devenir son disciple dans les deux styles Yang et Chen.
Wushutao : Il vous a fait reconnaitre comme maître ?
Jean-Jacques Galinier : Oui effectivement. Auprès d’une commission située à côté de Chenjiagou, le village de la famille Chen où serait né le Taiji. Donc il y a une ville où se retrouve chaque année une commission d’experts ; le maître Ding connaissant mon travail, m’a fait valoir auprès de ces experts et ils m’ont reconnu comme étant maitre renommé de Taiji, « Ming Shi »
[Maître éclairé, ndr], ce qui représente un titre assez honorifique et sympathique pour un occidental, car il y en a très peu, voire pas du tout, qui ont ce titre ; ils m’ont dit que j’étais le seul européen à avoir ce titre.
On considère trois titres de ce type en Chine : le maître classique enseignant qu’on appelle « Shi », le maître « Ming Shi » enseignant qui a obtenu une certaine renommée dans son style et sa façon d’enseigner et le grand maître « Da Shi », qui fait partie des trésors nationaux ; ce sont des gens qui œuvrent pour le développement du Taiji et qui ont un niveau très important
[ils doivent être confirmés par le Parti Central Communiste, ndr].
Wushutao : Un grand merci pour cette interview.
Jean-Jacques Galinier : Ça a été avec plaisir.